Alimentation et émotions : interview de Sarah Allart pour comprendre le lien profond entre alimentation et bien-être émotionnel
Sarah Allart est autrice, consultante et conférencière, spécialisée en psychologie positive et bien-être holistique (tête, corps, cœur, esprit). Elle est également autrice du best-seller Sunday Monday Happy Days – 101 expériences de psychologie positive pour être heureux 7 jours sur 7 (Larousse) et de I FEEL GOOD – 5 étapes pour activer le pouvoir des émotions positives (Larousse).
Sarah a vécu sa première expérience du jeûne au Clos du Chevalier. Nous avons beaucoup échangé et aujourd’hui je lui laisse la parole sur une thématique essentielle : le lien entre alimentation et émotions.
Nous allons tenter de comprendre pourquoi nous avons parfois tendance à « manger nos émotions », comment y remédier, mais aussi quelles pratiques adopter – comme l’alimentation en pleine conscience, le jeûne ou la « règle des 80 % » – pour mieux vivre au quotidien.
Tout d’abord, peux-tu nous expliquer quel est le lien entre alimentation et émotions ?
Le lien entre alimentation et émotions est très étroit et va dans les deux sens :
Nos émotions influencent nos choix alimentaires : lorsque nous sommes stressés, anxieux ou même très joyeux, nous pouvons ressentir plus d’appétit ou, au contraire, perdre l’envie de manger. En période de stress, par exemple, beaucoup de personnes se tournent vers des aliments riches en sucres ou en graisses pour se réconforter ou stimuler leur énergie. Parfois, nous pouvons aussi éprouver une sensation de « vide intérieur » (manque, solitude, ennui, perte de sens…), et chercher à combler ce vide avec de la nourriture pour ressentir du réconfort ou un sentiment de plénitude.
Et d’autre part, nos choix alimentaires influencent nos émotions. D’abord, la nourriture agit sur notre chimie interne en libérant des neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine, qui sont associés au bien-être et au plaisir. Un repas équilibré, riche en nutriments, peut nous donner de l’énergie, stabiliser notre humeur et réduire l’anxiété, tandis qu’un repas à indice glycémique élevé ou riche en graisses saturées peut nous rendre somnolents, irritables ou favoriser un « coup de pompe » dans la journée.

Il y a aussi le rôle central du microbiote intestinal : l’ensemble des micro-organismes qui peuplent nos intestins. Ces « bonnes » bactéries participent à la production et à la régulation de certains neurotransmetteurs (comme la sérotonine), influençant directement notre humeur et notre niveau d’énergie. Un microbiote équilibré, nourri par une alimentation variée et riche en fibres (fruits, légumes, céréales complètes, légumineuses…), favorise un meilleur équilibre émotionnel, tandis qu’une alimentation trop riche en produits transformés et en sucres raffinés peut déséquilibrer ce microbiote et avoir un impact négatif sur notre bien-être.
Enfin, il ne faut pas oublier que l’alimentation est aussi l’un des grands plaisirs de la vie, surtout pour les gourmands (j’en fais partie) ! Partager un repas, découvrir de nouvelles saveurs… c’est souvent lié à la convivialité, à des moments de joie avec nos proches. Ainsi, manger peut être autant un plaisir sensoriel et social qu’un besoin physiologique.
Prendre conscience de tout cela permet de mieux comprendre notre rapport à la nourriture et d’agir sur nos habitudes de façon plus réfléchie et bienveillante.
Pourquoi a-t-on tendance à « manger ses émotions » et que faire pour s’en sortir ?
« Manger ses émotions » signifie utiliser la nourriture pour gérer ses émotions plutôt que pour répondre à la faim physique. C’est une réaction courante face au stress, à l’ennui, à la tristesse ou à l’angoisse. Cela se produit souvent parce que manger peut temporairement soulager ces émotions grâce à la libération d’hormones du bien-être. C’est un mécanisme de compensation : on cherche à atténuer un malaise, à s’occuper l’esprit ou encore à se récompenser. C’est efficace à court terme mais ce comportement peut entraîner des habitudes alimentaires déséquilibrées et des problèmes de santé à long terme.

Pour s’en sortir,
il est important de se mettre davantage
à l’écoute de son corps
(être conscient de nos signaux de faim et de satiété),
mais aussi d’apprendre à mieux gérer et réguler nos émotions.
Les grandes clés pour cela sont:
- Identifier et accueillir l’émotion : quand on a envie de manger en dehors des repas ou bien de façon excessive ou déséquilibrée, on peut simplement se demander « est-ce que j’ai vraiment faim, ou est-ce que je comble un stress, une tristesse, une frustration ? ». C’est important d’apprendre à reconnaître qu’on est stressé, triste ou frustré, sans jugement. Accepter de « ressentir ce que l’on ressent » est une clé essentielle (plutôt que de lutter contre l’émotion et de vouloir l’éliminer immédiatement, par exemple grâce à l’alimentation). Une émotion négative, c’est comme un panneau « Stop » ou « Attention » qui nous indique que nous devons changer quelque chose pour retrouver notre bien-être. Prenons le temps d’écouter ce que nos émotions ont à nous dire, cela évitera qu’elles prennent le contrôle de notre vie !
- Réguler sainement l’émotion : plutôt que de se précipiter sur un aliment riche en sucres ou en graisses (ou de se gaver), on peut essayer de pratiquer d’autres techniques de régulation émotionnelle (expression physique, verbale ou écrite de nos émotions, exercices de respiration ou de relaxation, activité physique, distraction…)
Il ne s’agit pas de se priver, mais de se reconnecter à son ressenti. Parfois, la faim est réelle. D’autres fois, nous avons simplement envie de calmer une émotion négative ou de prolonger une émotion positive par la nourriture.

Et si l’on se sent vide et qu’on ressent l’envie de se “remplir”,
on peut chercher d’autres façons de se “nourrir”
(un bon film, un bon roman, un coup de fil à un(e) ami(e)
On peut se “nourrir” autrement qu’en mangeanT.t !
Autre petite astuce : il est souvent utile de planifier ses repas pour éviter de succomber aux fringales émotionnelles.
Comment tu expliques que certaines personnes ont très peur de jeûner ou de ne pas manger pendant quelques heures ? Et comment surmonter cette peur ?
C’est vrai que l’idée de ne pas manger, même pour une courte période, peut faire peur à beaucoup de monde. Il y a plusieurs raisons :
- Croyances et peurs liées au manque : beaucoup de gens ont une peur de manquer assez ancrée. On craint aussi souvent que le corps s’affaiblisse trop vite, qu’on manque d’énergie ou même qu’on s’évanouisse si l’on ne mange pas à un repas.
- Stress et habitudes culturelles (ou familiales) : Dans beaucoup de cultures (et de familles), on met l’accent sur l’importance de manger « trois repas par jour » ou de ne jamais sauter de repas. Remettre cela en question peut créer de l’anxiété.
- Mauvaises expériences passées : Certaines personnes ont pu avoir des malaises ou des vertiges lorsqu’elles ne mangeaient pas, ce qui renforce leur peur.
- Influences émotionnelles : Pour ceux qui « mangent leurs émotions », la nourriture sert aussi de refuge. L’idée de « s’en priver » peut donc être particulièrement angoissante.
Pour surmonter cette peur, on peut :
- S’informer et dédramatiser : apprendre comment fonctionne le corps en période de jeûne ou quand on décale simplement un repas. Comprendre qu’un jeûne court ou intermittent ne met pas en danger un organisme en bonne santé (sauf contre-indication médicale).
- Y aller progressivement : On peut commencer par retarder légèrement l’heure de son petit-déjeuner ou sauter un repas de temps en temps, en restant attentif à ses sensations. L’idée n’est pas de se forcer brutalement, mais de s’habituer peu à peu.
- Être bien accompagné : Un professionnel de santé (médecin, diététicien ou nutritionniste) peut aider à planifier ces moments de jeûne ou de réduction alimentaire en toute sécurité, surtout si on a des fragilités particulières.
- Adopter une écoute de soi : En étant attentif à ses signaux de faim, de fatigue, on apprend à distinguer la faim « réelle » de la faim « émotionnelle ». On peut alors expérimenter des périodes de jeûne ou des repas plus légers sans angoisse.
L’objectif n’est pas de se priver systématiquement, mais de comprendre que notre corps est capable de s’adapter, et que parfois, faire une pause alimentaire peut avoir des effets bénéfiques (meilleure digestion, regain d’énergie, régulation de l’appétit…) si c’est fait de manière réfléchie et en accord avec ses besoins réels.
On entend souvent qu’il est préférable de ne remplir son estomac qu’à « 80 % ». Pourquoi est-ce si difficile et comment faire ?
Effectivement, cette règle est inspirée de la culture d’Okinawa (au Japon), où l’on s’arrête de manger lorsqu’on sent que notre estomac est « presque » rempli. L’avantage est de ne pas dépasser nos besoins réels, d’améliorer la digestion et d’éviter la sensation de lourdeur (et ce serait un des secrets de longévité des centenaires d’Okinawa !).
cC’est difficile pour plusieurs raisons :
- Nos habitudes culturelles : on a grandi avec l’idée qu’il faut terminer son assiette !
- Le décalage entre le cerveau et l’estomac : le signal de satiété met parfois vingt minutes à atteindre le cerveau. On a donc tendance à trop manger avant de réaliser qu’on est rassasié.
- Le stress ou les émotions : on mange vite pour compenser, sans écouter les signaux de notre corps.
- L’absence de pleine conscience : beaucoup de personnes mangent sans y faire attention (devant la télévision par exemple).
Pour y arriver, on peut :
- Manger plus lentement : poser sa fourchette entre chaque bouchée, faire des pauses.
- Utiliser des petites assiettes (comme on le fait à Okinawa) : cela donne un sentiment d’abondance, car les assiettes sont bien remplies, mais les quantités sont assez faibles en réalité
- Eviter de se resservir : si on en a vraiment envie, attendre quelques minutes et voir si la faim est toujours là.
- Apprendre à reconnaître la satiété : s’observer, ressentir son ventre qui se remplit, le moment où le plaisir gustatif commence à diminuer.
Evidemment, on a le droit de faire des excès de temps en temps, ça fait partie de la vie, et c’est très bien comme ça ! Il est essentiel de ne pas être dans le contrôle permanent !
Pourquoi est-il important de bien mastiquer et d’appendre à manger en pleine conscience ? Et comment faire ?
La « pleine conscience » appliquée à l’alimentation consiste à se concentrer pleinement sur l’acte de manger : le goût, la texture, l’odeur, la couleur, la température des aliments, mais aussi les signaux de faim et de satiété.
Manger lentement et en pleine conscience a de nombreux effets bénéfiques. D’abord sur le plan physiologique, la mastication et la focalisation sur les sensations activent le système nerveux parasympathique. Cela favorise un état de relaxation, une meilleure digestion, et peut réduire le stress ou l’anxiété.
Sur le plan psychologique, manger lentement et en conscience nous permet de mieux savourer nos aliments, d’apprécier le moment présent et de repérer nos véritables besoins.
Pour y arriver on peut par exemple :
- Se réserver un moment tranquille, sans distractions (téléphone, ordinateur, télévision…). Et manger dans le silence total de temps en temps !
- Prendre le temps de bien mâcher chaque bouchée (pour la réduire en bouillie) en étant attentif aux sensations
- Observer ses pensées, ses émotions, sans les juger.
- Ressentir la gratitude envers tout ce qui a contribué au repas : la terre, les producteurs, les cuisiniers…
Même si l’on ne peut pas manger de cette façon à tous les repas, commencer par 10 minutes de pleine conscience lors d’un repas par jour ou par semaine peut déjà avoir un impact très positif.
Le mot de la fin ?
Comme le disait Jane Goodall : « Nous sommes ce que nous mangeons. »
- Prendre conscience de ce que nous
- mettons dans notre assiette et
- de la manière dont nous mangeons.
- CELA nous ramène à l’essentiel :
- écouter notre corps, respecter nos besoins
- et nourrir notre esprit de façon positive.
- Sans oublier de soigner notre microbiote,
- ce partenaire invisible qui joue un rôle clé
- dans notre équilibre émotionnel et physique.
La clé : transformer nos habitudes en douceur, par petits pas et se féliciter à chaque petite victoire !